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16.06.23
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Bois brûlé: Quand le bois rencontre les flammes

La construction avec du bois brûlé en architecture, nommée Yakisugi (« cyprès brûlé ») également connue sous le nom de Shou Sugi Ban, est une technique ancienne Japonaise qui gagne en popularité dans le monde de l’architecture contemporaine. Cette méthode implique de brûler la surface du bois pour améliorer sa durabilité, sa résistance aux intempéries et son esthétique unique.

La résistance accrue aux insectes, aux moisissures et à la pourriture est l’un des principaux avantages de la construction avec du bois brûlé. En effet, le processus de carbonisation de la surface du bois crée une couche protectrice. Celle-ci empêche les organismes nuisibles de pénétrer dans les fibres du bois, prolongeant ainsi sa durée de vie. Cette technique permet également de réduire la nécessité d’utiliser des produits chimiques pour protéger le bois. 

Outre sa résistance, le bois brûlé offre également une esthétique unique et attrayante. La surface carbonisée confère au bois une texture profonde et un aspect rustique qui s’intègre autant à une architecture moderne que traditionnelle. Le contraste entre la couleur foncée du bois brûlé et d’autres matériaux utilisés dans la construction crée un effet visuel saisissant et ajoute une dimension artistique à l’ensemble du projet.

De plus, le bois brûlé requière peu d’entretien. La surface carbonisée confère au bois une résistance accrue aux rayons UV, aux intempéries et à la décoloration. Cela réduit la nécessité d’un traitement régulier avec des produits de protection. Grâce à la couche « dure » de carbone, le matériau prend plus difficilement feu. Cela en fait un produit idéal pour l’extérieurs comme revêtement de façades, clôtures, terrasses ou pour les aménagements paysagers.

Le bois brûlé présente un autre avantage important : il peut être considéré comme déchet vert car aucune substance toxique n’est utilisée dans son traitement.

L’association la matériauthèque de Matilda a organisé une conférence sur le sujet le vendredi 9 juin 2023 au F’ar de Lausanne. 

Le but étant de différencier le point de vue durable du point de vue esthétique. Il est crucial de souligner qu’il faut dépasser l’aspect purement visuel « de mode » du bois brûlé. Le but est de mettre en évidence les bonnes raisons d’utiliser ce matériau, tant d’un point de vue technique qu’esthétique.

Les intervenants ont présenté quatre différentes techniques pour brûler le bois lors de la conférence :

  • la méthode traditionnelle à la japonaise : le bois est chauffé intensément pour carboniser sa surface, lui donnant un aspect noirci et texturé tout en améliorant sa résistance aux intempéries, aux insectes et à la pourriture.
  • la méthode au sol : le bois est placé horizontalement sur le sol et brûlé à l’aide d’une source de chaleur comme un chalumeau ou un brûleur.
  • la méthode manuelle au gaz : une flamme de gaz est appliquée directement sur la surface du bois. Elle permet un contrôle précis de la carbonisation, offrant une variété de finitions du noir profond au brun foncé. Cette méthode peut être réalisée manuellement à petite échelle.
  • la méthode industrielle avec un four à gaz : cette méthode assure un traitement uniforme et rapide de grandes quantités de bois, garantissant une carbonisation précise et une qualité constante du matériau.

L’esthétique

La maitrise du craquelage du bois est liée au temps de brûlage afin d’obtenir les bienfaits du brûlé. L’arrivée du craquelage est le signe que le matériau a suffisamment brûlé. Le craquelage varie selon la dureté et la densité du bois. Pour avoir un résultat défini à l’avance, il faudra plus investir dans la qualité du bois. Le choix du bois se fait pour son esthétique mais pas seulement. 

L’essence du bois a son importance. Traditionnellement au Japon, le bois brûlé est réalisé avec des cyprès japonais locaux. Ces arbres poussent très bien et sont plutôt denses. En Suisse, le choix se tournerait plus vers un épicéa, un sapin ou un pin plutôt que du chêne. Ces variétés sont meilleur marché. Le bois brûlé offre l’avantage de pouvoir choisir un bois moins noble et moins cher tout en le protégeant, même s’il n’a pas une grande densité. D’où l’intérêt de prendre un bois local pour faire ce traitement.

L’utilisation d’un bois artificiel prétraité comme l’Accoya peut être justifiée dans des environnements humides. Ce choix est également plus durable sur la longévité du craquelage du bois et de son esthétique dans la globalité. Il est particulièrement utilisé pour la construction de mobilier.

Le charme du bois brûlé ne réside-t-il pas également dans son évolution et son adaptation au fil du temps ? 

Un revêtement en bois brûlé peut être perçue différemment selon son environnement. En effet, en ville une maison complètement carbonisée, d’apparence noire va ressortir de manière contemporaine. Au contraire, une ferme rénovée avec un revêtement en bois brûlé va parfaitement s’intégrer dans le paysage. Elle gardera un côté rustique tout en étant bien entretenue.

Si l’on se penche sur la question économique, utiliser cette technique est intéressante. Tout un projet de façades pour une maison par exemple, peut coûter uniquement quelques centaines de francs pour le gaz.  Ce coût prend en compte uniquement le brûlage du bois. Il faut aussi compter l’investissement en temps ainsi que le coût du bois brut. Faire le brûlage manuel d’un bois non traité revient 25% moins cher que l’achat d’un bois industriel déjà brûlé et huilé.

Les professionnels dans le domaine accentuent leurs conseils pour l’expérimentation et la sécurité. En effet, il est difficile d’obtenir des sources d’informations fiables autour du sujet, car cette technique est encore peu connue. Il est préférable de se renseigner auprès de quelqu’un qui maitrise le sujet et qui a en a l’expérience. La clé de la réussite dans ce domaine est de faire beaucoup d’essais tout en assurant la sécurité. Jouer avec le feu nécessite d’être vigilant et de manipuler les éléments avec précaution. Il est essentiel de toujours avoir un extincteur et de l’eau à disposition pour réagir rapidement et efficacement en cas de départ de feu. Il est également recommandé d’humidifier la zone où le bois a été traité. S’équiper de vêtements à manches longues et qui protège toute peau apparente, porter un masque, des gants…

Intervenant Architecte – Fred Hatt 

Fred Hatt possède plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de l’architecture. Au cours des dernières années, il s’est spécialisé dans l’utilisation du bois brûlé et a déjà terminé cinq projets utilisant cette technique.

Cependant, sa passion pour le bois brûlé ne se limite pas à son travail professionnel.  En effet, il aime expérimenter avec cette technique dans sa vie quotidienne. Que ce soit en construisant son propre potager, en aménageant son bureau ou en créant divers petits meubles, il explore toutes les possibilités offertes par le bois brûlé. 

Pour lui, c’est une démarche d’expérimentation et de découverte.  Le choix d’utiliser cette technique va au-delà de la simple recherche esthétique. Il est conscient que le bois brûlé est encore peu connu et étudié. Son approche pratique lui permet de mieux comprendre les propriétés et les caractéristiques du matériau, ainsi que ses limites et ses possibilités. Il explore différentes méthodes de carbonisation, teste les essences de bois les plus adaptées et les finitions qui mettent en valeur la beauté naturelle du matériau.  Cette recherche lui offre une opportunité unique de repousser les limites et de contribuer au développement de cette méthode.

Grâce à son vécu et à sa passion pour l’expérimentation, il s’est engagé à explorer davantage les possibilités offertes par le bois brûlé et à perfectionner cette technique.

En tant qu’architecte, Fred Hatt comprend l’importance d’apporter des solutions innovantes. Chaque projet est une opportunité d’apprendre et de développer ses compétences. Il partage également son savoir-faire avec d’autres architectes et artisans, contribuant ainsi à l’échange d’idées et à l’évolution de la construction avec du bois brûlé. Cela se fait notamment au travers de l’association « La matériauthèque de Matilda ».

En savoir plus sur l’association « La matériauthèque de Matilda »

Il y a trois ans, cette association émerge dans le but de créer une matériauthèque en Suisse Romande. Le comité, qui compte cinq membres, et plus de 100 adhérents travaillent ensemble pour atteindre cet objectif. Les membres du comité proviennent de parcours variés et complémentaires.

Chaque conférence permet d’apprendre à mieux connaître un matériau. Les architectes et les constructeurs sont invités à partager leur expertise sur les aspects esthétiques et techniques en utilisant des exemples concrets. Montrer le résultat mais surtout le processus permet de soulever les difficultés rencontrées et les solutions trouvées.

L’association tient à promouvoir les matériaux écologiques et biosourcés. Elle souhaite sensibiliser sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux. Comment sont-ils produits, peut-on les recycler ? Des connaissances importantes pour faire les bon choix. Matilda ce n’est pas seulement des conférences mais aussi un lieu comprenant plus d’un millier d’échantillons (pierre, céramique, bois, acier, verre, béton,…) !

Aujourd’hui, la matériauthèque Matilda est devenue une référence croissante dans le domaine. Elle compte plus de 5’000 visiteurs mensuels sur leur site. Les évènements sont ouverts à tous et à toutes et permettent de se renseigner sur un sujet sans pré-requis.  

La diversité des conférences et des sources d’informations disponibles offre une occasion précieuse d’explorer la vaste gamme de matériaux écologiques à notre disposition.

En élargissant notre connaissance et notre compréhension des éco-matériaux, nous pouvons prendre des décisions éclairées dans notre vie quotidienne, que ce soit dans nos choix de construction, de rénovation ou de consommation.

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